J’ai découvert cet atelier lors d’Agile Game France 2016, grâce à @agilex, qui lui même l’avait découvert … suite à un Agile Game France précédent.
Bref, Alex s’est déjà attardé sur le fait que la version 2011 du guide Scrum ait remplacé la notion d’engagement par la notion de prévision lors du Sprint Planning. Sans rentrer dans ce débat, la notion d’engagement est déjà en elle-même plus complexe que ce que l’on peut en penser de prime abord.
C’est en cela que j’apprécie cet atelier. Il permet à l’équipe de prendre conscience de la relation très personnelle que chaque membre peut avoir vis-à-vis de la notion d’engagement, puis d’y intégrer les biais et opportunités apportés par la dynamique d’équipe. Par son équipe ! Et cela prend encore une dimension supplémentaire lorsque l’équipe est distribuée et multi-culturelle.
Je reviens donc ici sur l’animation que j’ai proposée à une équipe répartie entre Bordeaux et Casablanca.
Les règles du jeu
J’ai repris sur cet atelier le protocole proposé par @agilex le plus fidèlement possible – donc selon un protocole légèrement différent de celui en trois phases proposé initialement par Alain Cardon sous le nom “Le jeu des cubes” dans “Jeux pédagogiques et Analyse Transactionnelle” (Les éditions d’organisation – 1981).
Les participants ont à leur disposition des cubes en bois de 1 cm de côté (personnellement, je me suis approvisionné ici).
Ils doivent s’engager sur le nombre de cubes qu’ils vont être en mesure d’empiler (sans recourir à des structures évoluées, ni à d’autres artefacts de maintien que les cubes fournis) en 30 secondes.
Le but est alors d’acquérir un maximum de points selon les règles suivantes :
- Les cubes comptabilisés jusqu’à l’engagement comptent +2 points
- Les cubes comptabilisés en plus de l’engagement comptent +1 point
- Les cubes manquants vis-à-vis de l’engagement comptent -1 point
Quelques exemples pour être plus clairs :
-
Engagement : 10 / Réalisé : 10 => 10 x 2 = 20 points
-
Engagement : 10 / Réalisé : 12 => 10 x 2 + 2 x 1 = 22 points
-
Engagement : 10 / Réalisé : 8 => 8 x 2 - 2 x 1 = 14 points
L’organisation
Comme il s’agit d’un atelier réalisé ici de façon distribuée, j’ai pris soin de préalablement transmettre une partie des cubes à Casablanca. J’ai profité pour cela d’un responsable réalisant des allers-retours réguliers.
Pour la logistique, j’ai aussi profité de 2 portables de chaque côté de la Méditerranée pour permettre, lors de la seconde phase, aux membres des 2 équipes (évidemment distribuées) de communiquer ensemble, et uniquement entre eux.
Un troisième système de vidéo conférence pour assurer l’animation globale de l’atelier aurait sûrement apporté un peu plus de fluidité, mais le dynamisme était tout de même au rendez-vous.
Le déroulement
L’atelier se déroule en 6 parties :
Partie 1
Avant que les participants ne réalisent le moindre essai, il leur est demandé de s’engager sur le nombre de cubes qu’ils vont pouvoir empiler en 30 secondes, à titre individuel.
Les engagements sont notés, puis ils ont 30 secondes pour réaliser chacun leur engagement.
Au bout de 30 secondes, les réalisations sont notées et les scores calculés au regard des engagements de chacun.
Un débrief rapide est mené sur les motivations de chacun quant à son engagement au regard du contexte dans lequel celui-ci a été pris (donc sans la moindre expérience).
Partie 2
Il s’agit exactement du même protocole que pour la partie 1, au bémol près que les participants ont acquis une première expérience qui peut influer sur leurs engagements.
Les participants repartent alors pour un cycle :
Engagement → Réalisation → Comptabilisation → Débriefing
A ce stade, les engagements pris peuvent évoluer en fonction de l’expérience acquise, de la compétitivité de chacun, etc.
Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise stratégie d’engagement puisqu’elle est personnelle. Il s’agit là d’une occasion pour l’équipe de découvrir les stratégies de chacun des membres qui la compose en dehors de toute contrainte.
Partie 3
Nous jouons toujours de façon individuelle, mais en intégrant une nouvelle règle :
Toute annonce réalisée en cours de production est acquise même si la tour s’effondre ensuite, avant les 30 secondes. Il faut bien évidemment que la tour tienne debout, sans assistance, au moment de l’annonce.
Les participants repartent alors pour un cycle :
Engagement → Réalisation → Comptabilisation → Débriefing
A ce stade, l’impact de la sécurité apportée par un droit à l’erreur individuel (la règle d’annonce) est intéressante à débriefer, en particulier vis-à-vis de l’audace qu’elle a impliquée, et de l’impact sur les performances de chacun. Un exemple intéressant d’application de la règle des 3P (Protection – Permission – Puissance).
Partie 4
Les participants sont regroupés en 2 équipes.
Dans mon cas, il s’agit évidemment d’équipes distribuées permettant de répartir équitablement les membres de Bordeaux et de Casablanca. C’est à ce stade que les 2 PC portables de chaque côté, permettant à chaque équipe distribuée de se synchroniser de façon isolée (au mieux vis-à-vis des moyens disponibles), rentrent en jeu.
Conserver la contrainte technique d’équipes distribuées au sein de l’atelier est essentiel en termes de team building.
Il est alors demandé à chaque équipe de s’engager sur le nombre de cubes qui seront superposés, dans les conditions suivantes :
- chaque participant monte sa propre tour
- au bout des 30 secondes, le cumul des hauteurs de tours qui tiennent debout de façon autonome à cet instant est considéré comme la production de l’équipe (il s’agit donc d’un retour aux règles initiales de comptabilisation)
Les équipes repartent alors pour un cycle :
Engagement → Réalisation → Comptabilisation → Débriefing
Le débrief porte à présent sur l’impact qu’a eu le groupe sur la relation à l’engagement. Il est rare que l’engagement commun corresponde arithmétiquement à la somme des engagements pris précédemment à titre individuel par l’ensemble des membres composant le groupe.
Les participants découvrent ici une composante de la dynamique d’équipe. Et il est intéressant de constater que les motivations et stratégies des 2 équipes ne sont alors pas nécessairement les mêmes (alors que tous les participants appartiennent au quotidien à la même équipe de production).
Partie 5
Toujours avec les mêmes équipes, il est demandé à chaque équipe de s’engager en intégrant une nouvelle règle :
La tour la plus basse de chaque équipe n’est pas comptabilisée.
Les équipes repartent alors pour un cycle :
Engagement → Réalisation → Comptabilisation → Débriefing
Il est intéressant de voir ici l’impact de la sécurité apportée par un droit à l’erreur pour l’équipe sur l’engagement et la productivité de chaque équipe.
Partie 6
Toujours avec les mêmes équipes, il est demandé à chaque équipe de s’engager en remplaçant la règle précédente par la règle d’annonce de la partie 3 (toutes les tours sont donc à nouveau comptabilisées).
Les équipes suivent une dernière fois le cycle :
Engagement → Réalisation → Comptabilisation → Débriefing
Il est intéressant de voir ici l’impact de la sécurité apportée par un droit à l’erreur pour chaque membre de l’équipe sur l’engagement et la productivité de chaque équipe.
En bref
Cet atelier revêt principalement 4 aspects :
- il s’agit d’une activité de team building, et dans un cas d’équipes distribuées pour lesquelles il n’est malheureusement pas envisageable de recourir à un regroupement physique ponctuel, elle est assez aisé à mettre en oeuvre à distance. Les équipes ont l’occasion de se découvrir sous des aspects sur lesquels elles prennent rarement le recul nécessaire.
- il permet de constater différentes stratégies personnelles de rapport à l’engagement
- il permet de constater l’impact du contexte de groupe sur les stratégies d’engagement de chacun, et offre l’opportunité aux équipes de s’aligner autour de cette notion
- l’impact du droit à l’erreur sur les performances individuelles comme collectives.
Afin de faciliter le suivi de cet atelier, vous pouvez par exemple vous baser sur une feuille de calcul de ce type au format Microsoft Excel (.xlsx).
Notes pour la prochaine édition :
- J’ai réalisé cet atelier sur 1 heure. Je tenterai sur 1h30 la prochaine fois, en particulier si je le rejoue avec des équipes distribuées.
- Ne pas sous-estimer les besoins logistiques liés à un contexte distribué. Tenir des vidéo-conférences en parallèle, le tout dans une même salle, n’est pas confortable. Pour autant, je ne trouve pas incohérent de s’en tenir pour ce type d’exercice aux moyens mis à disposition au quotidien par le client lui-même.